Portrait : Cécile Rigole : le sport comme vecteur d’inclusion et du bien vivre ensemble

Professeure d’EPS au lycée Louis Bascan depuis plus de 15 ans, celle qui se décrit comme une « enfant de la république » œuvre pour offrir aux jeunes en situation de handicap des pratiques sportives adaptées. Mais aussi pour transmettre aux élèves les valeurs qui fondent le vivre ensemble en société. Un engagement qu’elle prolonge par le biais de l’association « Balise ta ville ».

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Conseils de classe, accompagnement des élèves de la section danse donnant un spectacle à La Lanterne, animations de rencontres sportives, cours, entraînement d’athlétisme des jeunes déficients visuels du dispositif ULIS, rôle de cliente pour le restaurant d’application « L’EN-K », engagement associatif… : en cette fin du mois de mai, Cécile Rigole est sur tous les fronts. Difficile donc d’arriver à se glisser dans l’emploi du temps surchargé de cette professeure d’EPS du lycée Louis Bascan au rythme effréné. D’autant que cette dernière, aussi modeste que discrète, n’est pas très à l’aise avec la lumière des projecteurs. « Beaucoup de mes collègues mériteraient davantage que moi d’être mis en avant mais je voulais parler de causes et de valeurs qui me tiennent à cœur » commence-t-elle, visiblement émue.

Une “enfant de la République”

Des valeurs, gravitant autour du respect de soi, des autres et des différences, que la professeure porte chaque jour auprès de ses élèves par le biais de l’enseignement physique et sportif. Une manière, certainement, de rendre aux autres ce que l’école lui a apporté. « Je me considère comme une enfant de la République parce c’est elle qui m’a aidée, formée, portée pendant que mes parents travaillaient beaucoup ». Fille de personnels hospitaliers, dont un père entraîneur de sport qui a transmis le virus à toute sa famille – deux des trois enfants sont devenus professeur d’EPS – Cécile a été sensibilisée très tôt à la culture sportive. Grâce à ses parents mais aussi à des bénévoles de club qui l’ont repérée lorsqu’elle était enfant, à des instituteurs, puis à des professeurs d’EPS qui lui ouvrent le champ des possibles. La jeune fille qui pratique intensément l’athlétisme et la gymnastique se dirige logiquement vers une licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) durant laquelle elle donne bénévolement de son temps dans un club de gym. « Le sport s’est imposé à moi, comme le fait de le transmettre : enfant, j’habitais en cité et je m’occupais des enfants du quartier, je savais déjà que serai prof ».

Un engagement pour l’inclusion…

En 2004, lors de ses premiers postes, on lui propose de travailler autour du handicap. A la veille du vote de la loi de 2005 pour l’égalité des droits des chances – qui garantit notamment à chaque enfant en situation de handicap le droit d’être scolarisé dans une école ordinaire – l’heure est aux prémices d’une prise de conscience. Elle travaille avec des jeunes atteints de déficience visuelle et s’investit pleinement dans des propositions d’EPS adaptés. Lorsqu’elle rejoint le lycée Louis Bascan, en 2009, Cécile prend rapidement en charge, suite au départ en retraite d’un de ses collègues, les cours d’EPS de l’Unité Locale d’Inclusion Scolaire (ULIS) de l’établissement qui accueille une dizaine d’élèves malvoyants de la Seconde à la Terminale. Tout en étant, de 2012 à 2022, coordinatrice des installations sportives du lycée.

Athlétisme, escalade … : chaque semaine, elle leur dispense des séances d’EPS adaptées dont les exigences en termes de dépassement de soi et de préparation physique sont similaires à celles proposées aux classes dites normales. « A mon sens, ne pas voir est le plus handicapant des handicaps, un des plus risqués aussi au quotidien. En faisant travailler leurs corps, on les aide à améliorer leur perception d’eux-mêmes et leur positionnement dans l’espace public ; ils sont plus à l’aise, reprennent confiance en eux et se redressent même physiquement » détaille la professeure qui regrette que, vingt ans après son vote, l’esprit de la loi de 2005 ne soit encore que partiellement appliquée. « On essaye de répondre à une nécessité qui ne fait visiblement pas loi : il y a eu beaucoup d’amélioration mais on voit encore des élèves arriver au lycée en ayant encore jamais eu d’EPS dans leur scolarité ».

… et pour la sensibilisation des jeunes

Au-delà, Cécile s’investit aussi pour la sensibilisation des jeunes à la question du handicap. Avec d’autres personnels de l’établissement, ils multiplient, année après année, les initiatives et lancent même un label « BascAn dit cap’ » grâce auquel ils bâtissent des projets, soutenus par la ville. Actions de sensibilisation, courses les yeux bandés, flash mob, rencontres dans les classes avec des sportifs de haut niveau tels le sprinteur handisport Trésor Makunda ou l’athlète Nantenin Keïta. « On voit bien que beaucoup de jeunes n’ont pas forcément conscience de l’altérité et peuvent donc avoir des comportements problématiques. Il faut donc que l’enfant apprenne le plus tôt possible qu’on est tous différents et travailler les valeurs du vivre en société. A ce titre, le sport est un vecteur très important, on le voit sur de nombreux projets de sensibilisation et d’inclusion ». A l’occasion du dispositif « En route vers les jeux », la professeure a ainsi porté plusieurs actions inclusives dont une course solidaire réunissant 800 élèves de la maternelle au lycée qui ont abouti à une journée exceptionnelle de passage de la flamme olympique.

L’association Balise te ville

Un engagement qui a dépassé le cadre du lycée avec la création en 2022 de l’association Balise ta ville dont Cécile Rigole est membre du bureau. « Face aux difficultés rencontrées au quotidien par les déficients visuels, dont certains finissent par ne plus sortir de chez eux faute d’environnement adapté, on a décidé d’agir ! ». En concertation avec la mairie, ils travaillent à l’installation de balises parlantes aux abords de la circulation mais aussi à un projet d’installation de ces dispositifs dans le mobilier urbain pour renseigner par exemple sur les commerces. Des projets ambitieux et chronophages que l’association tente de faire émerger malgré les difficultés à recruter des bénévoles. « Je me dis toujours que je ne fais pas assez mais les journées n’ont que 24h ! ». D’autant qu’en parallèle, cette hyperactive donne aussi de son temps à différentes associations. « C’est mon jardin secret et j’essaye de trouver encore du temps pour le cultiver ».