Portrait : Georges Feliculis : chef d’orchestre des cérémonies patriotiques

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Commémoration à la mémoire des enfants de Groussay morts pour la France (13 septembre) ; cérémonie de remise à la famille de la montre du pilote canadien Coldrey décédé à La Boissière- Ecole dans le crash de son avion en 1944 (13 octobre) ; armistice de 1918 et hommage solennel de la nation à tous les soldats morts pour la France ( 11 novembre)… : à peine sorti des commémorations du 23 août – qui ont vu l’inauguration de la stèle en l’honneur des combattants d’Afrique du Nord et des OPEX Georges Feliculis s’attèle déjà à la préparation des cérémonies qui rythmeront l’automne. « On a la chance qu’elles soient nombreuses à Rambouillet avec une vingtaine de dates à l’année proposées par la ville », précise celui qui préside depuis plus de 8 ans l’Union des associations patriotiques de Rambouillet (UAPR) et officie comme maitre de cérémonie. Un rôle clé qu’il assure en collaboration étroite avec la responsable de la Plateforme administrative dédiée, un service du pôle convivialité de la ville qui s’occupe notamment de l’organisation des cérémonies institutionnelles.

Dans les coulisses ils œuvrent ainsi à la gestion de chacun de ces événements. Depuis l’envoi des convocations à l’installation de la sono, en passant par l’élaboration du plan de la cérémonie veillant scrupuleusement au respect du protocole tant dans le placement des invités que pour le déroulé millimétré des allocutions, levée des couleurs, chants ou dépôts de gerbes. « Avec Esther, mon binôme, nous sommes en quelque sorte les chefs d’orchestre de ces temps forts qui rendent hommage à ceux qui se sont sacrifiés pour la France et maintiennent leur souvenir vivant : l’histoire est un éternel recommencement, il faut essayer de garder en mémoire ce qui s’est passé », détaille avec passion ce septuagénaire alerte et déterminé qui a derrière lui près de 40 ans de bénévolat. Et se dédie sans compter à faire vivre ce qu’on nomme communément « le devoir de mémoire ».

L’amour de la France et de son histoire

Un engagement qui s’inscrit surement dans l’histoire de son grand-père paternel. Né à Constantinople et abandonné par ses parents devant un orphelinat, ce dernier est élevé par des sœurs françaises. En 1917, il se retrouve enrôlé dans la bataille de Gallipoli et combat du côté de l’empire ottoman. Mais en 1939, il est mobilisé dans les chasseurs alpins du côté de la France, son pays de cœur. « Mon grand-père s’est toujours senti Français, surement plus d’ailleurs que de nombreuses personnes nées en France, et il avait un vrai amour de ce pays qu’il m’a transmis ». Enfant déjà,
Georges était passionné par l’histoire de France. Il se souvient avec précision des commémorations du 8 mai et du 11 novembre pour lesquelles sa mère composait, à lui et ses 7 frères et sœurs, de petits bouquets à déposer sur la tombe des anciens combattants. « J’ai eu la chance de rencontrer des anciens de 14-18 qui étaient encore en activité dans mon village, certains avaient fait Verdun et acceptaient parfois d’en parler. Ça m’a beaucoup marqué ». Comme beaucoup de jeunes de son époque, il commence à travailler dès 15 ans, comme apprenti pâtissier, et interrompt ensuite son parcours pour effectuer son année de service militaire.

Une étape importante pour Georges. « Ma mère me répétait toujours qu’un garçon n’ayant pas fait son service militaire n’est pas un homme. Finalement, lorsqu’il a fallu signer pour mon départ, elle a hésité parce qu’elle avait peur pour moi », raconte-t-il en souriant. Il faut dire que le jeune homme choisit d’effectuer sa préparation miliaire comme parachutiste à Orléans. Et part à l’armée, en décembre 1972, dans les troupes aéroportées de Bayonne. Il a tout juste 20 ans et adhère tout de suite aux valeurs et à l’ambiance qu’il découvre. « J’en garde de très bons souvenirs, il y avait une très forte cohésion et cette idée de rentrer dans une grande famille. On dit souvent « Parachutiste un jour, parachutiste toujours » et c’est vrai ! ».

Parachutiste un jour, parachutiste toujours

Ainsi, lorsqu’on lui propose, en 1987, d’adhérer à la section rambolitaine de l’Union nationale des parachutistes, il accepte avec plaisir. Et devient, deux ans plus tard, porte drapeau. Il assurera pendant 21 ans « cet honneur » en parallèle de sa carrière de chef de cuisine à Paris. Une vie rythmée par des allers-retours entre la Seine-et-Marne, où il vit à l’époque, et Rambouillet où il assiste à toutes les cérémonies, portant fièrement la tenue réglementaire, soit le traditionnel béret rouge accompagné d’un pantalon gris et veste de blazer bleue marine.

Cet investissement l’amène à prendre en 2010, peu après sa retraite, la présidence de l’association puis, en 2017, celle de l’UAPR qui regroupe une quinzaine de structures. « Ma femme me dit souvent qu’elle me voyait plus quand je travaillais ! » s’amuse Georges qui partage avec elle plus de 50 ans de vie commune. L’agenda du bénévole est d’autant plus rempli que ses fonctions l’amènent aussi, en plus des cérémonies patriotiques, à représenter l’association à de nombreuses occasions (vœux, obsèques d’anciens membres d’associations ou des forces de l’ordre, inaugurations…) tant à Rambouillet que dans les villes alentours. « J’ai du mal à décliner les demandes et propositions » reconnait celui qui est aussi membre d’une dizaine d’associations mémorielles.

Transmettre aux jeunes générations

Un engagement d’autant plus essentiel que le nombre de bénévoles, prêts à s’investir réellement, ne cesse de baisser. « Pour moi, donner de mon temps est une évidence mais je vois bien que c’est de plus en plus dur généralement de trouver des volontaires ». Georges s’emploie notamment à réveiller le comité rambolitain du Souvenir Français – une association qui a pour mission d’entretenir les tombes des anciens combattants -, en sommeil depuis 2017, faute d’adhérents. « La jeunesse est la solution » assure-t-il. Plusieurs fois par an, il se rend ainsi au collège du Rondeau – dont les élèves dessinent les cartons d’invitation des cérémonies du 11 novembre – pour perpétuer le devoir de mémoire, expliquer la symbolique des drapeaux et leur rappeler qu’il n’y pas si longtemps, « des jeunes qui avaient presque leur âge se sont engagés dans la résistance ou ont été enrôlés dans des guerres ». « C’est difficile de mobiliser la jeune génération mais j’ai tout de même recruté plusieurs jeunes portes drapeaux, ça rajeunit nos effectifs et ça prépare la relève ».

Pour l’heure, Georges n’envisage pas une seconde de lever le pied. « Le bénévolat fait partie de moi et j’aime ce rythme : même si je bénéficie du calme de la campagne (ndlr, à Choisel), je rencontre beaucoup de gens ». Parmi ses rituels, les réunions d’anciens combattants tous les 1er et 3e samedis du mois, où il retrouve « les copains » dans un esprit de convivialité. « Mon futur remplaçant m’a déjà dit en rigolant qu’il fallait que j’attende encore 10 ans au moins pour lui passer le flambeau, ça me va : tant que je pourrai continuer, je le ferai ! »