Et si on arrêtait de considérer que le handicap est forcément un obstacle à la vie en entreprise ? Et si on troquait l’expression « travailleurs handicapés » pour réfléchir plutôt en termes de « personnes à compétences et besoins spécifiques » ? En France, alors même que les entreprises employant au minimum 20 salariés ont l’obligation d’embaucher 6% de travailleurs handicapés, trouver un emploi en cas de handicap relève encore du parcours du combattant. Complexité des démarches, crainte et méconnaissance de nombreux employeurs, persistance d’idées reçues… : les freins sont nombreux. Selon l’INSEE, en 2023 seules 45% des personnes de 15-64 ans déclarant disposer d’une « reconnaissance administrative d’un handicap » sont actives professionnellement contre 74 % pour l’ensemble de la population de cette tranche d’âge.
Pour faire bouger les lignes et sensibiliser les chefs d’entreprise, la ville de Rambouillet – par le biais de la commission handicap et son élue Valérie Caillol – organisait le 5 février dernier une réunion autour de l’inclusion professionnelle en partenariat avec l’Association des dirigeants d’entreprises du centre et sud Yvelines (ADECSY), le Rotary club de Rambouillet et la Communauté d’agglomération Rambouillet Territoires.
Un bilan très positif pour le Duo Day
Plus de 70 participants du territoire étaient ainsi réunis dans une salle de l’Hôtel Best Western Amarys pour une soirée d’échanges placée sous le signe d’une citation très à propos d’Albert Einstein : « Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ».
La réunion s’est ouverte par une présentation du bilan de la dernière édition du Duo Day. Une initiative qui permet de faire se rencontrer, le temps d’une journée, une personne en situation de handicap et un professionnel qui l’accueille dans son environnement de travail. Déployé à l’échelle nationale depuis 2018, le concept est en plein essor tant en France que sur le territoire. Le nombre d’employeurs de Rambouillet Territoires engagés dans le Duo Day est ainsi passé de 21 à 63 entre 2022 et 2024, et le nombre de conventions signées de 31 à 94, certains employeurs accueillant plusieurs Duos au sein de leur structure.
Un tremplin possible vers le monde du travail
De nombreux participants ont répondu présent pour partager leurs retours sur cette initiative. Lidl, MacDonald, Les 3 brasseurs, le Centre hospitalier de Rambouillet, la ville de Rambouillet… : employeurs et stagiaires se sont succédé pour retracer cette expérience globalement très positive. « C’était la première fois que nous participions à l’hôpital et nous avons accueilli 8 personnes. Cette journée a été une superbe expérience qui a permis de lever pas mal d’inquiétudes et d’idées préconçues de part et d’autre, dans les équipes comme pour les stagiaires. Après une réunion de présentation aux services, nous avions même plus de volontaires que de personnes à accueillir tant cela a intéressé le personnel. On recommencera avec plaisir » a ainsi témoigné le centre Hospitalier de Rambouillet. Elisabeth, qui y a effectué un duo en pédiatrie, a vu son désir de travailler auprès des enfants en « milieu ordinaire » renforcé et commencera bientôt un nouveau stage dans une école élémentaire en tant qu’agent technique.
Comme elle, de nombreux stagiaires du Duo Day, effectuent de nouveau stages dans l’entreprise accueillante ou dans une autre structure. Chez Mac-Donald, le Duo Day a donné récemment naissance à un partenariat entre l’ESAT – soit établissement ou service d’aide par le travail – Le Chêne. Ce dernier a signé avec l’entreprise de restauration rapide un contrat de mise à dispositions de salariés de l’ESAT qui viennent travailler toute la semaine sur les services en salle du midi.
L’inclusion, un levier de développement
« Ce type de contrat permet d’accompagner l’employeur comme les travailleurs et il est très intéressant pour les deux partis. Et cela ne fonctionne pas que pour les grosses entreprises, les TPE ou PME font aussi appel à nous. Alors plutôt que de passer par des intérimaires, n’hésitez pas à nous contacter si vous avez des besoins notamment dans la restauration », invite un chargé d’insertion de l’ESAT Le Chêne durant la table ronde.
Cette dernière a permis aux chefs d’entreprise et RH présents d’entendre les initiatives portées par des entreprises qui ont fait de l’inclusion un levier de développement. Le témoignage fort de Jean-François Dufresne – ancien directeur général d’Andros où il a mis en place dès 2014 un dispositif permettant d’embaucher et d’intégrer des travailleurs autistes sévères. – et fondateur de l’association « Vivre et travailler ensemble » a particulièrement marqué l’auditoire. « Tout le monde m’a dit que c’était impossible, qu’ils étaient inemployables mais ils se sont tous trompés : sur les 60 personnes engagées chez Andros en CDI, il n’y a eu aucun licenciement. On croit que pour faire travailler des personnes comme mon fils, il faut les aider mais en réalité ce sont les entreprises qui les emploient qu’il faut aider à créer les conditions pour que ces travailleurs puissent exprimer leurs compétences et libérer tout leur potentiel ! », a-t-il martelé, soulignant le fait que de nombreux dispositifs de ce genre étaient en place dans de grandes entreprises.
De nouveaux temps de rencontre à venir
Même son de cloche pour le cofondateur des restaurants Dans le noir, Fabrice Roczczka, qui a mis l’inclusion au cœur de son modèle d’innovation, mais aussi chez Lidl et Guerlain. La table ronde a aussi été l’occasion de faire un éclairage sur les outils mis à disposition des entreprises tant pour le recrutement que pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap. « Je propose à toutes les structures de venir me rencontrer afin qu’elles expriment leurs besoins en termes de recrutement pour que nous puissions les accompagner », a ainsi conclu Juliette Flacks, manager professionnelle chez France Travail.
A l’image de cette soirée, d’autres temps de rencontre et de sensibilisation sont en préparation pour les mois à venir.