Du Louvre au château de Versailles, en passant par le Petit Trianon, le Palais-Royal ou les châteaux des Tuileries : après un long voyage en d’illustres lieux, le mobilier de la Laiterie de la Reine vient enfin de retrouver l’écrin pour lequel il avait été créé il y a plus de 240 ans.
Le remeublement de la Laiterie…
Depuis le 10 juin, les visiteurs peuvent ainsi admirer à l’intérieur de l’édifice, niché au coeur des jardins historiques du Domaine national de Rambouillet, cet ensemble en acajou, constitué de quatre fauteuils, dix chaises et cinq tabourets. Ces pièces très travaillées, créées spécialement pour les lieux, en 1787, par le menuisier préféré de Marie -Antoinette, l’ébéniste Georges Jacob, sont dans un style étrusque. Elles témoignent du goût de l’antiquité au siècle des Lumières, tandis que les têtes de béliers qui ornent les pieds des fauteuils et des tabourets rappellent la fonction du lieu qui les accueille, dédié à la dégustation des produits laitiers (cf. encadré ci-dessous).
Qu’est-ce qu’une laiterie ?
Très en vogue au XVIIème et XVIIIème siècle, les laiteries étaient dédiées à la fabrique et à la dégustation des laitages à l’heure où l’on découvrait les vertus diététiques et médicinales du lait. Destinés à une noblesse fortunée et attirée par le fantasme de la vie rustique, ces lieux, entourés de jardins paysagers, étaient l’occasion de petites folies architecturales. Hormis celles de Marie-Antoinette – qui en possédait aussi à Versailles, au Trianon elles ont presque toutes aujourd’hui disparu.
… une avancée majeure portée par une nouvelle dynamique
Loin d’être anecdotique, ce remeublement, effectué grâce à un dépôt de l’Etablissement public du Château, du Musée et du Domaine national de Versailles, constitue une avancée importante pour la compréhension de la Laiterie de la Reine, par le public. Mais témoigne aussi de l’importance patrimoniale du Domaine national de Rambouillet et de son rayonnement. Il s’inscrit dans une dynamique lancée par l’exposition « Vivre à l’antique, de Marie-Antoinette à Napoléon 1er » proposée à Rambouillet en 2021 – et pour laquelle des pièces du mobilier avaient été prêtées par les musées de Versailles.
L’événement qui a eu un fort impact dans le monde de l’art et du patrimoine a été suivi de l’ouverture d’un espace de médiation, situé dans le pavillon du Roi, permettant de mieux comprendre la fonction et l’esthétique de la Laiterie de la Reine. D’accès libre dans le parc, ce lieu, créé par le Centre des monuments nationaux (CMN), qui gère le château et le domaine de Rambouillet depuis 2009, offre aux visiteurs les principales clés de lecture avec une approche multisensorielle et inclusive. L’intérêt pour la Laiterie de la Reine va au-delà du public, puisqu’une journée d’étude scientifique y a été organisée le 29 avril. Conservateurs, historiens et universitaires étaient réunis pour réfléchir ensemble à la manière d’aménager le mobilier afin de s’approcher au plus près de la disposition d’origine.
C’est un événement puisque c’est la première fois que l’ensemble de ce mobilier revient dans son cadre d’origine depuis la Révolution française. Les visiteurs pourront maintenant la découvrir à-peu-près comme l’a vue Marie-Antoinette à l’époque et depuis, plus personne.
Isabelle de Gourcuff, administratrice du Domaine national de Rambouillet
Un chef d’œuvre réalisé par des artistes renommés
L’occasion de se replonger dans l’histoire d’un lieu étonnant, niché au cœur de ce domaine que Marie-Antoinette aurait qualifié de « crapaudière » lorsque son époux l’acquit en 1783. Pour attirer sa reine dans ces lieux qu’elle n’appréciait guère, Louis XVI lui fit construire à partir de 1785, cette luxueuse laiterie d’agrément destinée à la dégustation de produits laitiers et aux réunions bucoliques.
Cet édifice, véritable petit temple antique, époque très en vogue au XVIIIème siècle qui donna naissance au style artistique néoclassique, abrite deux salles. La première, dite de dégustation, en forme de rotonde est surmontée d’un plafond coupole et ornée de quatre médaillons sculptés présentant des jeunes femmes vêtues à l’Antique et pratiquant des activités propres à la ferme. La seconde, dédiée à la fraîcheur, abrite une spectaculaire grotte dans laquelle est nichée une sculpture de Pierre Julien, « Amalthée et la chèvre de Jupiter ». En plus du mobilier, la Laiterie est dotée d’un service de porcelaine de 65 pièces délicates réalisées par la manufacture de Sèvres.
L’ensemble fut conçu par de talentueux artistes de l’époque, formés en Italie et imprégnés du goût de l’antique, tels le peintre Hubert Robert, qui se chargea de la conception ou l’architecte Jean- Jacques Thévenin. Après deux ans de travaux, la Reine découvre son cadeau le 26 juin 1787. Elle n’aura plus jamais l’occasion d’y retourner avant la Révolution française et sa mort.
Restaurée en 1807 à la demande de Napoléon, la Laiterie de La Reine, comme la Chaumière aux coquillages font partie des bijoux architecturaux préservés du Domaine national de Rambouillet. A ce titre, le CMN y prévoit de nouveaux investissements, en parallèle des projets menés pour renouveler le parcours et les contenus de visite du château. Ce dernier connaît d’ailleurs un succès grandissant avec près de 78 300 visiteurs en 2024 soit une hausse de 26% de la fréquentation.
Le Domaine national de Rambouillet : un bien commun d’exception à protéger !
Parce qu’il fait partie intégrante du cadre de vie des habitants, par sa proximité géographique avec le centre-ville, on peut avoir tendance à oublier le caractère exceptionnel du Domaine national de Rambouillet. Monument d’exception, le Château est placé, comme son parc et ses 150 hectares de jardins historiques – labellisés Jardins remarquables -, sous la gestion du Centre des monuments nationaux (CMN). Il fait partie du cadre tout aussi majestueux du Domaine national de Rambouillet. Inscrit depuis mai 2024 sur la liste des Domaines nationaux du ministère de la Culture, il est le plus grand domaine d’Ile-de-France avec ses 1200 hectares comprenant la Bergerie nationale (150 hectares) et l’ancien domaine de chasse de Rambouillet géré par le Domaine de Chambord (900 hectares). Ce domaine constitue un trésor paysager, patrimonial et historique.
Un bien commun, aussi riche que vulnérable dont le public peut jouir tout en respectant un certain nombre de règles pour la sécurité de tous et la préservation des lieux. Ainsi il est bon de rappeler que nos amis les chiens doivent être tenus en laisse. Mais aussi que les déchets doivent être jetés dans les poubelles mises à la disposition des visiteurs et non dans les allées !